Déborah Chock

Peintre et plasticienne

Entretien image
à propos de l'installation 
"MAIS JE RÊVE ! " Toiles oniriques, 2018 / 2019

Sur ce projet les toiles interagissent avec une installation, c’est un dispositif un peu rare aujourd’hui ; le plus souvent exposition et installation font bande à part?
D.Chock : Au départ il s'agit d’une exposition, mais particulière....qui vit au rythme de l’homme. Les toiles ont une vie le jour et comme l’homme, la nuit elles se mettent à rêver... d'où l'idée de les installer dans la nuit en plein jour et de proposer aux visiteurs de plonger dans le rêve. On joue le jeu de percevoir ce que l'inconscient peut révéler dans la vie quand l’homme parle à travers ses rêves.

Mots flottants dans l’espace, matière sonore, est-ce le thème du rêve qui a conduit à cette envie d'immersion ?
D. Chock : Les mots, la parole, le langage font partie de l’homme. Même invisible, ils sont là. On ne les prononce ou pas, mais ils font partie du corps. Dans les jeux de sens ils sont invisibles ou doublement visibles. Et la langue française est tellement joyeuse !
Dans le rêve, ils sont libres, souvent ils délirent... Ils livrent beaucoup, et parfois délivrent. Souvent ils sont comme dans les voiles de cette installation : flottants, multipliés, en échos...
J’aime l’idée de pouvoir les toucher, les traverser, voir leur dos, les dissocier et se les approprier.
La matière sonore, musicale ou pas, fait partie de la vie. Elle fait partie des transports...

Les mots sont sur les toiles et en dehors, est-ce la volonté de vouloir s’exprimer au- delà de la peinture ? L’espace de la toile serait-il devenu trop petit ?
D. Chock : L'espace de la toile est vaste. Il a tout permis, y compris de la vider de tout. L’art contemporain n’est plus la toile... Dans le sillon que j’ai tracé, elle a toujours été une métaphore de l’Être : corps et parole. Corps, parole et langage inconscient.
Mes nouvelles toiles sont ludiques et oniriques. Une scène conscientisée en dialogue miraculeusement avec scène inconsciente sous les yeux du spectateur.
C’est un travail qui dit que l’invisible est palpable dans la vie comme sur la toile. Les mots sont sur la toile et en dehors. Bientôt ils ne se verront que dans l’invisible. L’installation permet d’aller plus loin dans l’interaction surtout lorsqu’il y du public, mais la toile seule a un destin chez l’amateur et le collectionneur; elle accompagne le dormeur dans le rêve.
Le premier titre de cette exposition est « De la nuit à l’inscrit » car il s’agit d’une boucle : une situation existe, le rêve nous en suggère une lecture.
Il est plus que suggestif et il n’est pas rare que le rêve soit matière à être vécu le ou les lendemains. Il régule notre sommeil mais aussi nos pensées. N’oublions pas qu’il est le porte-parole de notre inconscient, détenteur de grand savoir! Sourire.

La toile n’est plus figée, elle donne à voir une représentation qui évolue sous l’oeil du visiteur à cause ou grâce au rêve. Cela a-t-il à voir aussi avec la mémoire, avec ce qui revient, remonte à la surface... Motif caché derrière le motif comme ces toiles passées au scanner et qui révèlent d’autres scènes délaissées par le peintre ?
D.Chock : Le rêve et l’inconscient ont à voir avec la mémoire bien sûr. Et aussi avec l’invisible, mais l’invisible est palpable et c’est ce que je tente de montrer. Les artistes ont traité de l’invisible, beaucoup dans l’art numérique et conceptuel, mais je n’en connais pas qui traitent d’un invisible visible. Les toiles sur lesquelles je travaille actuellement vont délaisser toute figure, ce sera plus mystérieux encore!
Des scènes délaissées peut-être, mais par le peintre ou par l’homme ?

Au milieu de l'espace des toiles et des mots, le corps du visiteur a-t-il une place importante dans cet ensemble ?
D.Chock : Précisément, il fait corps.
Corps et langage sont liés et le groupe aussi fait corps. Car au-delà d’être corps et langage, l’humain partage le langage et les mots qui le constituent. Il peut être solitaire mais jamais sans une expérience de l’altérité. Au-delà de ce que la toile veut et peut révéler d’une face cachée ou de l’inconscient, l’installation avec ses projections de mots dans l’espace et sur les corps rend visible l’interaction des individus et de leur liens conscients ou pas.
En ce sens, le corps, souvent écran du visible intérieur devient l’écran où la projection, au sens propre et au sens figuré opère. Et elle opère pendant toute la traversée onirique à travers les voiles avant de découvrir sur la toile une part d’inconnu. Pour moi, c’est magique.
Le corps véhicule ... Nous savons.
J’ai choisi une série de voiles transparents et souples plutôt qu’un écran fixe pour projeter dans plusieurs dimensions, et permettre autant de lectures qui fluctuent avec le mouvement des voiles où les mots se déforment, se retournent, se regardent à l’envers...
On peut chercher à lire ou simplement être en immersion dans un univers où, plus que le sens des mots, c’est le langage qui fait sens.
Chaîne YouTube Déborah CHOCK  : 
https://www.youtube.com/channel/UClQUfC_Dlpoc7evoMVDMaMAL' UFR de Langue Française et le Service Culturel de l'Université de La Sorbonne, Paris, invitent  Déborah Chock pour une rencontre autour de son "Carnaval des mots". L’ artiste retrace son parcours de 1990 à 2020 à travers ce qu'elle appelle des "jeux de sens" , un travail sur la langue française et l'exploration de  l'inconscient pour aboutir en 2018 à des toiles novatrices qui inaugurent une plastique du surgissement de l'inconscient. C'est le cheminement d'un peintre du sensible vers une peinture plus conceptuelle avec, pour constance, la toile comme "métaphore de l'être". Cette vidéo contient de très nombreuses illustrations depuis les collections de cartes postales en 1990 (Les Couleurs de le vie", Le Carnaval des mots") jusque l'Installation "Mais je rêve !" qui a fait l'objet d'une présentation exclusive à Nuit Blanche, Paris, en octobre 2018. Présentation de Déborah Chock par Mme Joelle Ducos, Directrice de l'UFR de Langue Française de l'Université due la Sorbonne.
https://youtu.be/Bgywmm7nJ0s​​​
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Le Carnaval des Mots 
Nouvelles œuvres

EXPOSITION Collective
à la GALERIE20VOSGES  jusqu'au 15 Janvier 2020




à propos du CARNAVAL DES MOTS II 



J. Dor - En lisant ces petites invitations à penser qui forment l'essentiel du Carnaval, on est confronté à des jeux de sens, à des associations d'idées poétiques, mais très vite on se dit, qu'au-delà du côté ludique, c'est bien autre chose qui est en jeu au cœur de cette fusion écrit-peinture ?

D. Chock - C’est une promenade. Le Carnaval des mots est une invitation, une proposition de rencontre avec d’autres promeneurs.  Il est aussi comme une photographie du corps social dans sa grande diversité, et ces petits « résumés de vie » me sont inspirés par les humains que je croise, y compris moi-même.
Les jeux de sens sont des petites fulgurances qui entretiennent avec l’image un rapport dialectique très vivifiant pour l’esprit: on passe du dedans au dehors le l’image, en créant comme des ensembles mathématiques que viennent peupler nos êtres ou nos pensées… c'est ludique et intellectuellement jouissif.
Mais ces fulgurances nous racontent. Elles sont ancrées dans le corps et dans l'œuvre, c'est-à-dire dans l'image, la couleur, la matière comme les mots sont ancrés dans nos corps. L’être est cette chose réunie faite de corps et de langage, et c’est ainsi que cette combinaison peinture/jeu de sens est une interpellation mnésique : ça me rappelle quelque chose… et cathartique: c’est un miroir!
Ce qui est en jeu dans cette fusion écrit/peinture, c’est l’Être.

J. Dor - Comment ces formes émergent t-elles, l'inspiration est - elle d'abord le verbe ou d'abord l'image ?

D. Chock - Voilà la question la plus embarrassante qui soit. Images et verbes sont consubstantiels. Peut-on imaginer diviser l’être en sa part de chair et sa part de langage? Je ne me pose aucune question lorsque je peins . Ce sont des personnages parlant qui s’agitent lorsque je travaille et agitent mon esprit.
Les formes émergent donc de ce que m'inspire l'humain dont j'aime observer les mouvements du corps et de l'esprit, qu'ils soient conscients ou inconscients.

J. Dor - Comparer au travail d'autres artistes, Ben notamment, quelle est la place ici, la dimension, de l'écrit ? En quoi est-elle singulière autrement ?


D. Chock - Des peintres ont utilisé l'écriture comme signe graphique, pas nécessairement lisible. D'autres ont titré leur toile, d'autres ont incorporé du texte venu d'ailleurs, d'autres encore comme malgré… ben miss tic…
En ce qui me concerne, l'écriture est dramatique, au sens théâtral, c'est-à-dire parole. mes jeux de sens s’entendent : ce n’est pas seulement la vue mais aussi l’oie et la parole qui s’anime pour évoquer et percevoir du vivant.
Réaliser que l’écriture et l’image font corps c’est comprendre que l’être est fait de langage. Mon travail est d’aller chercher une sorte de langue maternelle et de provoquer deux de petits soubresauts de l’âme avec des mots. Cette langue maternelle commune à tous es ça dont souvent celle du langage un conscient. La singularité de mon écriture dans la peinture c'est quelle est parole .
Ma plus grande récompense est lorsque cette parole émeut, met en mouvememt, inspire le passage à l’acte.


J. Dor - Les formes représentées paraissent le résultat d'une grande volonté de simplification ; la tentation de l'abstrait est-elle présente ? Peut-on imaginer, des compositions de mots qui ne seraient relayés d'aucun élément figuratif ?

D.Chock - Oui, on peut l’imaginer. C'était le cas dans le premier Carnaval : des mots « mis en scène » graphiquement : la force d'une césure, la réécriture, l’homophonie, l'homonymie peuvent suffire… mais si il est vrai que j'avais conçu ce premier Carnaval des mots sous forme de cartes postales, autrement dit, de petites paroles à envoyer.
La simplification n'est pas tant dans la volonté d’abstraction. Elle est le souci de rester centré sur du symbolique et des figures communes: imaginons une scène primitive est comptons: la lune, Le soleil, les étoiles, La forme humaine devrait suffire. Je rajoute des portes, des fenêtres, des escaliers, des tourbillons, Des ailes… on est toujours tenté d'ajouter du figuratif mais j’évite. Je me limite au figures les plus communes.
Ma démarche image
Pour moi toute œuvre se caractérise par un sentiment qui a pris corps dans le médium qu'elle utilise.
Depuis toujours je mêle écriture et peinture pour exprimer que corps et langage ne font qu'un.  Les mots et le corps sont liés. 
Mes toiles sont une métaphore de l’être : peinture et écriture sont consubstantielles, de même que corps et langage ne font qu’un: l’Etre. 
D’où ma volonté de rassembler mouvements, couleurs, traces sur l'objet corps (toile, papier, tôle, terre...) en même temps que l'écrit (parole, mots, langage...). Le jeu de sens s'impose à moi pour multiplier dans l’inconscient puis le conscient différentes lectures, et offrir, par le mouvement de l'esprit qui va d'un sens à l'autre, comme une jouissance. Le mot cherche et fabrique de nouvelles racines. Il propose des voix. Je cherche à entendre. Ouvrir m'apPorte... Croire en la Magie Sienne, L'Être'Ange en toi, On se reFée, Leur nuit s'écritVie, Qu'est-cePère l'enfant?, Elles soeuront, Le para-Dit des rêves...
Après de longues promenades dans la langue française et l'inconscient du texte, le premier Carnaval des mots en 1995 et Le Carnaval des mots II en 2015, J'ai cherché des moyens techniques pour inviter l'inconscient directement sur la toile.
Ces nouvelles toiles, héritières de mon intérêt pour la psychanalyse et aussi de cette expression métaphorique de l'humain, sont dans le sillon de mon travail, mais j'ai espéré leur donner le pouvoir d'exprimer plus librement l'inconscient, comme dans le rêve... J'ai cherché à les rendre vivantes la nuit, lorsque l'inconscient produit des images libres.

Ce sont donc des toiles vivantes et révélatrices. Elles ont le pouvoir (grâce à une technique maitrisée depuis quelques années sur la phosphorescence, que j'ai élaboré moi-même) de la révélation brusque de l'inconscient. Elles expriment l'expérience ambivalente du déjà vécu et du radicalement neuf, comme celui que propose le rêve, avec ses incohérences dans se toute proximité avec l'inconscient.

L'installation "MAIS JE RÊVE !" est disponible ; pour avoir toutes les informations et le dossier technique, il suffit de prendre contact...

  • Paris, Île-de-France, France